C’est l’heure de mes congés ! Et comme chaque année, c’est retour pour quelques jours dans mes contrées natales du Grand-Est avec un traditionnel passage au Centre Pompidou Metz. Habitué des lieux, c’est pourtant la première fois que l’ensemble de ses espaces est occupé pour ma visite de rentrée. L’une des propositions m’intéresse davantage : l’expo labyrinthique pensée par le duo Elmgreen et Dragset. Traversée gênante et creepy à souhait dans ce dédale de situations tirées d’un quotidien pas si loufoque que ça...
Un duo international que je ne connaissais pas (de nom en tout cas)
Si comme moi vous n’aviez jamais entendu parler d’Elmgreen et Dragset, retenez qu’il s’agit d’un duo artistique contemporain composé de Michael Elmgreen (né en 1961 au Danemark) et Ingar Dragset (né en 1969 en Norvège). Ils sont notamment connus pour leur collaboration artistique qui englobe une variété de médias, la sculpture, l’installation, la performance et la vidéo. Leur travail explore souvent des thèmes liés à l’identité, la sexualité, la société et la politique, en utilisant l’humour et la provocation pour remettre en question les normes sociales. L’un de leurs projets les plus célèbres est la sculpture de la Petite Sirène déplacée, qui a été installée à Copenhague en 2010, suscitant un débat sur les notions de nationalisme et d’identité. Le travail d’Elmgreen & Dragset a été largement exposé dans des musées et des galeries d’art du monde entier, et ils ont remporté de nombreux prix prestigieux pour leur contribution à l’art contemporain. Le duo est reconnu pour son approche innovante et son engagement à repousser les limites de l’art contemporain, tout en abordant des questions pertinentes de notre époque à travers des œuvres provocantes et captivantes.
Bonne chance : un regard lucide et critique de la société et la place de l’humain
Je dois être honnête, en parcourant les premières œuvres qui composent l’installation, j’étais dubitatif. À tel point qu’il était impossible de savoir de quel côté le parcours commençait, ni de savoir si nous étions autorisés à franchir ce grand rideau de lamelles plastiques (du style accès restreint d’un laboratoire). Qu’à cela ne tienne, nous avançons et peu à peu ce sentiment d’interdit laisse place à une véritable envie de prendre place dans les scènes. On comprend assez rapidement que nous, visiteurs, avons le rôle principal dans ces décors certes dépouillés, mais riches de sens et symboles. Du plateau de TV à la scène de théâtre music hall, vous donnez littéralement sens à l’installation par votre simple présence.
Ce n’est qu’après visite que je réalise à quel point je trouve cette expo épatante. Si vous aviez commencé à cerner le cynisme des scènes, le duo réussit à rebattre les cartes. Il parvient, dans un minimalisme blanc effrayant, à susciter chez vous l’angoisse. Par la combinaison d’une simple porte, un écran de file d’attente qui n’évolue pas et un distributeur de tickets. Ou encore à vous faire culpabiliser en parcourant les effets personnels des bureaux déserts d’un vaste open space baigné de lumière rose. De pièce en pièce, politique, économie, urbanisme, quotidien à grande vitesse et addiction aux réseaux sociaux en prennent pour leur grade dans un espace bien réel sans aucun filtre ou artifice. C’est d’ailleurs ce qui me marque le plus : ces murs blancs qui s’enchaînent sans fin, comme ces espaces liminaux qui font fantasmer les réseaux sociaux. Un dédale de couloirs à la frontière de Severance, Bigbrother et Docteur MAD (excusez mes références de millenial).
Ressenti final : un parcours génial en totale introspection
L’exposition est de celles qui vous font dire qu’elles ont changé quelque chose en vous. Clairement, on n’en sort pas indemne. Parfois pris de frisson, souvent d’un sourire figé, chaque installation pose une question qui nous replace dans le temps présent. Au beau milieu d’une salle de réunion, une femme allongée dans un costume d’ourson rose semble avoir fait les frais d’une société bien trop exigeante. En bon publicitaire que je suis, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à cette publicité de la loterie française. Elle mettait en scène un employé qui faisait irruption dans une salle de réunion pour scander « au revoir président » affublé d’un masque de poussin. Seulement ici, la fin n’est pas aussi heureuse, semble-t-il. Observateur, je remarque aussi des caméras à peu près dans tous les recoins. Assez anciennes, typique de celles que l’on imagine être utilisées pour espionner des rats de laboratoire, je me dis qu’elle ne peuvent pas être celles du musée. Je commence à critiquer moi même le système sans m’en rendre compte. Bingo, à l’arrière du studio TV « Bonne chance », le mur d’écrans laisse une vue totale de ce labyrinthe et ses cobayes participant à ce qui semble être une vaste expérience sociale. À la sortie, comme un soulagement, mais ces questions qui tournent désormais dans la tête : suis-je vraiment gagnant au jeu du quotidien ? À l’image de la route de la fortune qui ne s’arrête finalement jamais.
À la lecture, vous devez trouver l’ensemble creepy à souhait. Mais détrompez-vous, l’effet qui se dégage de la visite est assez indescriptible. Mais pour autant, extrêmement révélateur de tout ce que vous auriez pu perdre de vue dans notre société. L’implication de chacun dans son travail, la puissance des réseaux sociaux, la course à la finance, et même La Défense des droits LGBT sont autant de sujets évoqués qui ouvrent une profonde réflexion.
Pour découvrir le tout, rendez-vous à Metz au centre Pompidou jusqu’au 1er avril 2024 ! Le tarif varie selon le nombre d’expositions disponibles. Toutes les informations sont ici.