C’était il y a quatre ans, à l’ouverture du blog. Les marques devenaient brutalement familières et tout le monde trouvait l’idée géniale. J’émettais déjà mes réserves, mais la tendance semblait se contenir aux seules marques qui avaient décidé d’en faire leur positionnement, à l’image de Burger King. Nous sommes en 2022, et surprise, de nouvelles tentatives voient le jour avec un langage toujours plus provocateur. Pour cette suite, j’ai préféré vous poser la question au travers d’un petit sondage.
Précédemment, je vous parlais de Netflix qui tutoie tout le monde, Burger King qui traite ses clients de « feignasse » ou encore Big Fernand qui vous invite à arrêter de glander. L’article est à retrouver ici.
UberEats parle comme nous, de bouffe
Sur le même modèle que Netflix, UberEats se place au niveau de ses consommateurs, cherche la connivence. L’entreprise de livraison leur parle par le biais de ses coursiers et leurs goûts culinaires. Le spot diffusé cette dernière année met en avant la variété des restaurants disponibles, et la simplicité de commander ses plats favoris. Le tout se termine sur ce claim entre bonhommie et langage familier « Parlons bouffe ». Si je déplore qu’on adopte ce langage banal de façon plus automatique dans le discours des marques, il faut avouer qu’ici, on parle de bouffe. Bonne ? Mauvaise ? Le tout est de savoir si le terme sert ou non la marque. Ici, je passe mon tour, le mot me déplaît, mais ne porte pas préjudice à mon sens : avouons qu’UberEats sert plus souvent à commander chez un Fast food qu’autre chose. À noter que la signature vient de chez Buzzman, qui signe aussi le ton de Burger King.
Dans un registre tout aussi décalé et sans langage familier, ne manquez pas la publicité superbowl d’UberEats avec Jennifer Coolidge, iconique.
Free pète littéralement les plombs
En période électorale, les marques s’en donnent souvent à cœur joie, c’est de bonne guerre. Mais pour Free, c’est une drôle de manière de surfer sur l’actualité. Dans un spot qui semblerait avoir été taillé pour son arrivée sur Tiktok, la marque formule ses vœux de nouvelle année en reprenant les codes de l’adresse aux français présidentielle par l’intermédiaire de son PDG Xavier Niel. « Je ne suis sans doute pas un président normal (François Hollande), j’ai plus de 50 ans (Valéry Giscard d’Estaing) et je ne porte pas de Rolex (Nicolas Sarkozy), je ne bois pas de Corona (Jacques Chirac), je n’ai pas de fille cachée (François Mitterrand) et je ne vous trouverai pas un travail juste en traversant la rue (Emmanuel Macron). On devine donc l’intérêt de la vidéo. Seul hic, elle se clôture sur une phrase choc : « Mon ambition est d’être l’opérateur de tous les Français et vous aider à communiquer… sans vous niquer. » Il s’agit bien d’une parodie si vous en doutiez encore, mais est-il nécessaire d’aller jusqu’au vulgaire ?
Toujours rien de neuf, rien que des effets de style
Est-on toujours au même point qu’il y a quatre ans ou le glissement de langage est-il un vrai phénomène qui touche sa cible ? Je vous ai alors posé la question. Le fond de ma demande concernait l’effet que ce revirement de langage pouvait susciter chez vous, prospect de la marque. Certaines entreprises ont bâti leur ADN sur ce langage plus fleuri et un usage presque frénétique de ce ton drôlement provoquant. Néanmoins j’ai été surpris par Free qui, s’il a toujours été défini comme un trublion des télécoms, m’a tout de même fait sursauter (ou pour certains d’entre vous, fait recracher votre café). C’est donc sur ce cas précis que je vous ai demandé dans quelle mesure le langage plus familier, ou même vulgaire influençait-il votre perception de la marque ? La question était posée sur Twitter et Linkedin, ou les profils sont assez différents.
Le résultat est assez marqué : 66% considèrent cette sortie comme dévalorisante, seul un quart des réponses penche vers une tentative innovante ou tout du moins surprenante. Pour autant, le résultat est là, la vidéo a généré la parution d’innombrables articles sur le sujet à en juger les résultats de recherches Google. À noter que les profils qui ont répondu plus positivement au sondage sont essentiellement issus du monde de la publicité ou des médias, ce qui me conduit à croire tout de même que les consommateurs sont plutôt assez peu convaincus de l’initiative. Reste à savoir si ces postures verbales trouvent réellement ancrage dans les actes et si elles n’affadissent pas leur rapport avec leur public.
Merci à aux participants du sondage et à celles-et-ceux qui m’ont adressé leurs passionants commentaires sur la question ! Si le sujet vous passionne, je vous glisse mon précédent article à ce sujet juste ici.
Très bon article. Je reste convaincu que cette évolution vient dégrader l’image d’une marque et le rapport à ses clients.
Cela tire la relation vers le bas, et peut même installer cette familiarité dans l’esprit du client, lorsqu’il s’adresse à la marque et à ses collaborateurs par exemple. A-t-on à y gagner ? Pas sûr. Une relation durable, elle doit être emplie de proximité mais aussi de respect. Proche mais pas familier. Suis-je dépassé ? 😉
C’est aussi parfois inutile et gratuit (X. Niel, « communiquer sans vous niquer ») voire même risible/provocant quand on analyse la rentabilité et les démarches des marque en question. Car j’ouvre ici un autre débat : celui de la concordance du discours avec les actes de la marque. Parler direct c’est bien, l’être IRL c’est encore mieux. Peut-être une limite à l’exercice ?
Tout à fait d’accord Cédric, ce ton parfois faussement identitaire se transcrit-il dans la relation du client avec la marque ? Je pense que pour les exemples cités, ils ne sont qu’effets d’image qui certes, positionnent, mais ne trouvent pas d’écho dans la réalité. C’était moins le cas pour le premier article. Comme si un effet de mode était passé par là. Définitivement à creuser dans le troisième épisode ?